dimanche 8 mai 2016

Commémorons le 8 mai 1945, jour du sauvetage miraculeux de Léon Degrelle !

Dans une lettre émouvante à son ami Pierre Daye, Léon Degrelle retrace, tout juste un mois après les faits, les circonstances dans lesquelles il vécut la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Un récit encore plus haletant car plus « resserré » que La Campagne de Russie !...





Saint-Sébastien, le 7 juin 1945.


Mon bien cher Pierre,

Je m’ennuie terriblement après toi… Que deviens-tu ? Quand vas-tu te décider à venir jusqu’à Saint-Sébastien…voir ton vieil ami de jadis ? Je suis certain que, si tu es éloquent, on ne te refusera pas le droit de venir me dire bonjour ! J’en ai ici pour des mois à recoller mes os en morceaux ! On vient, à la radiographie de s’apercevoir ce matin que j’avais deux autres fractures, juste à l’endroit où le bras gauche et l’épaule s’emboîtent. Résultat : je vais avoir la moitié du corps dans le plâtre… Ce n’est pas drôle. Et je ne puis compter que je sois remis en état avant la fin du mois d’août…

Je me languis après des nouvelles. Tu dois avoir des journaux du pays et de France, des revues, des livres. Par nos amis espagnols de Los Monteros, fais-moi parvenir un colis avec de la documentation. Je sais que tu es un maniaque des collections ! Mais je veillerai à ton bien, avec un soin jaloux !

Q
uant à ma famille, je vis dans une terrible angoisse. Sais-tu que deux jours après ma culbute ici dans la mer, Hayoit de Termicourt (1) a commis l’ignominie, dans son dépit, de faire arrêter en Allemagne et incarcérer mon vieux papa et ma vielle maman, âgés de 78 ans, 28 fois père et grand-mère ! Or papa s’était fait très, très vieux, n’était même plus capable de s’habiller lui-même ! Quant à maman dont on connaît la douceur évangélique, elle avait failli mourir d’une maladie de cœur au mois de février. On ne la soutenait qu’avec des piqûres. Je ne peux penser, sans avoir les larmes aux yeux, au calvaire de ces pauvres gens. D’après ce que j’ai lu dans un petit journal des Pyrénées, on a arrêté en vrac tout ce qu’on a pu trouver de la famille Degrelle, y compris la pauvre Jeanne Raty, dont tu connais l’état de santé, et ses deux filles, deux gamines !

Je me demande jusqu’où on va descendre dans l’ignominie !

Quant à la pauvre Marie-Paule, qui a été d’un courage et d’une maîtrise magnifique, je ne sais absolument pas ce qu’elle est devenue, avec cinq petits enfants sur les bras, dont un bébé de huit mois ! Elle s’était cachée dans une forêt. Et cette dépêche de trois lignes ne dit rien d’elle. Quelle tragédie ! Comment arriver à se retrouver un jour ? Est-ce que la Croix-Rouge Internationale, ou le Vatican ne vont pas s’occuper de ces drames ? Je voudrais faire venir ici – s’ils sont encore libres – Marie-Paule et les enfants. Mais comment ? Avec l’aide de qui ?...

Sans oublier qu'il va régner là-bas une famine horrible, comme on n'en aura jamais vue…


Q
ue d’événements depuis notre séparation! Au moment de l'arrivée des Alliés en Belgique, j'étais au combat en Estonie, pays très émouvant, arbres, sapins, bruyères; j'y ai sauvé – pour peu de temps hélas – la vieille ville universitaire de Dorpat et j'y ai gagné les Feuilles de Chêne. Puis ce fut l'offensive des Ardennes. Tu vois notre joie ! La Noël chez nous ! Nous étions dans nos belles Ardennes, lourdes de neiges, avec 

leurs vallées violettes, leurs vieilles auberges à tonnelle, les immenses panoramas du plateau d'Houfflize.
Nous avons vécu des nuits de Noël et de Nouvel-an très touchantes, parmi tous ces braves paysans qui nous avaient fait un accueil inoubliable. Puis ce fut l'écrabouillage méthodique et implacable. Tout fut réduit en poussière : La Roche, Houffalize, Saint-Vith : tout plus que d'horribles monceaux de plâtres. Rien n'échappait. Et ce fut le retour. Aussitôt nous fûmes engagés, de nouveau, au front russe. En Ardenne, nous n'avons eu aucun rôle militaire, à aucun moment. Mais en Poméranie, devant Stargard, ce fut une autre affaire. La puissance des Soviets était devenue fabuleuse. A l'assaut de chaque village, ils lançaient 20, 30, 40 chars énormes ! Nous avons eu 450 morts et 700 blessés (sur 1400 hommes engagés) en 5 semaines ! C'était absolument affreux. Le pauvre Mezzeta est mort avec son héroïsme habituel, Atteint d'un horrible éclat de grenade dans le ventre.

Quatre fois en une semaine, j'ai été fait, virtuellement, prisonnier. Chaque fois, je me suis glissé comme une couleuvre. Les nuits étaient grandioses, tous les villages roses flambaient dans les neiges énormes tandis que les chars russes hurlaient à bout portant, tous phares allumés ! Nous avons mis 35 jours pour reculer de 30 kilomètres ! L'héroïsme de l'armée allemande a été quelque chose d'indescriptible ! Mais aux trois derniers jours de la bataille d'Altdam, devant Stettin, nous n'étions même plus 1000 hommes pour trois Divisions !

Nous avons eu un mois de répit, derrière l'Oder. Nous avons rassemblé tout ce qui nous restait, soit environ 2000 hommes dont 650 de troupe de choc. Le 20 avril, les Russes enjambaient le fleuve. On a lancé nos 650 hommes dans une contre-attaque : cinq fois, ils ont rejeté les Russes à plusieurs kilomètres en arrière, mais à la fin on se battait à coup de crosses et il nous restait 35 hommes en tout ! Le pauvre Albert Verpoorten, notamment, avait eu les deux bras arrachés et la tête fendue ! Nous avons eu une famille de 4 frères qui se sont fait tuer tous les quatre ! Mais que faire ? Les ordres secrets que je recevais comme Commandeur de Division m'interdisaient de tirer plus d'un coup par pièce d'artillerie par jour et plus de deux grenades par lance-grenade ! Il n'y avait plus rien. Tu connais nos Wallons. Ils ont tenu les derniers partout. Toute l’armée décrochait en direction des Anglais qui eux, tenaient, à travers tout, en arrière de deux jours sur tout le monde !

Je n'ai échappé que par un miracle à ma manière. La nuit du 1er au 2 mai, j'étais appelé chez Himmler, ma Division et celle des Flamands (que je commandais aussi pour finir !) devant se placer derrière Lubeck. J’eus juste le temps de me glisser avec ma petite voiture tout-terrain entre les Russes et les Anglais. L'instant d’après, le passage était coupé. J’eus beau faire, je ne pus retaper les débris, d'ailleurs épars, de la Légion. Il ne me restait qu'une poignée d'hommes, déjà arrivés à Lubeck. Un dernier front antibolchevique arrivant, celui du Nord de la Norvège, je décidai de reconstituer là un groupe de combat, d'autant plus que je savais que d'autres Wallons essayaient par la mer de gagner le Danemark. J'arrivai à Copenhague, après mille péripéties, juste pour tomber en pleine révolution. Je passai 14 heures au milieu de la meute triomphante. Un de mes deux officiers d'ordonnance fut englouti dans la marée. Grâce au culot inouï d'un Allemand en civil, je parvins à traverser la ville entière en pleine émeute, sautai sur une petite embarcation de guerre et, après avoir vu les Anglais descendre les avions sous mon nez à Copenhague, j'arrivai à Oslo le dimanche !

Déjà, le lendemain, c'était de nouveau la capitulation à 2 heures de l'après-midi. Nous passâmes des heures hallucinantes. Finalement, à 10 heures du soir, un sous-officier de l'aviation allemande, que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam, m'offrit de risquer le coup : s'envoler dans la nuit en Espagne. Le champ d'aviation n'était pas encore pris. Un avion privé était dans un hangar : l'aviateur alla expliquer qu'il devait le conduire à Trondheim. Nous nous glissâmes en « stoumeling » dans l'appareil. A 23 heures et demie, sans carte, nous foncions à l'aventure. Rester dans la ville, c'était se faire prendre par les partisans. Attendre le lendemain, c'était être prisonnier d'une Division anglaise aéroportée. Nous allions braver la chance !

M
ais quelle aventure ! D'abord, nous fîmes un large tour par la mer du Nord, puis il fallut bien atteindre la Hollande. Bientôt, je vis avec horreur un phare s'allumer derrière nous, puis ce fut sous nous, puis loin devant nous. Nous étions repérés. On illuminait les champs d'aviation. On nous interpellait par radio : « Qui êtes-vous ? Que faite-vous ? » Nous allions jeter l’alarme dans toute l'Europe, fêtant la victoire ! Mais que d'émotions ! Nous guettions partout l'arrivée des chasseurs ennemis !

A
toute vitesse, nous survolâmes Anvers, tout brillant dans la nuit. Ah ! Mon cœur se serrait en survolant ma Patrie ! Anvers était là, Bruxelles était là, la forêt de la Cambre, ma maison ! Mais je pensais aussi à tous mes ennemis, au-dessus desquels je passais, me payant leur têtes ! Puis ce fut Lille ! Puis Paris, éblouissant, avec des phares qui, de partout, essayaient de nous happer ! Mais plus nous allions vers le Sud, plus notre passage devait paraître normal. Qui pensait, dans cette nuit de fête, imaginer un avion allemand au-dessus d'Orléans ou d’Angoulême ! Pourtant, nous étions inquiets de la direction, d'autant plus que le rayon d'action de l'avion, avec le maximum d'essence, était de 2100 kilomètres. Or, en ligne directe, d'Oslo aux Pyrénées, il y avait 2150 kilomètres. Nous risquions terriblement d'échouer près du salut.

D
éjà l'essence arrivait à sa fin. Nous regardions dans la nuit. On voyait des villes qu'on imaginait en pleine bordée. Des autos circulaient. Soudain j'aperçus une coulée luisante, puissante comme un bras de géant. J'étais sûr de ce que je voyais : c'était l’embouchure de la Gironde.



Nous étions sur la bonne voie. Mais l’essence baissait de plus en plus. Les ratés se multipliaient. L'avion allait de plus en plus lentement, descendait de plus en plus vers les flots. Ce furent des moments horribles. Nous avions endossé des bouées de sauvetage. Nous longions la côte. C'était Arcachon, miroitant dans la fin de la nuit, puis la grande rade d'hydravion, puis la lande interminable, toute noire derrière les lueurs de la mer. Ah ! Quand cette lande finirait-elle ? Je guettais les lumières de Biarritz, mais rien ! Nous descendions de plus en plus. Quasi au ras des flots. Le jour paraissait lentement, quelques lueurs. Je devinais, puis je distinguai les Pyrénées et leur courbe vers le Bidassoa. Elles étaient très belle, bleu-noires, avec un très léger fond rose pâle du jour naissant. Nous allions sombrer dans ce début d'aube. Le pilote tira les fusées rouges de détresse. Et dire que l'Espagne était là en face : nous distinguions même un phare ! Déjà deux vedettes françaises prenaient la mer. A une lenteur hallucinante, l'avion acharnait, poussait sur ses moteurs secs : encore six kilomètres, cinq, quatre, un… Nous vîmes les rochers d'un vert noir. Le pilote fit alors un coup de folie. Atterrir là, c'était s'écraser. Il redressa presque verticalement l'appareil, happant ainsi les dernières gouttes d'essence, sauta au-dessus des rochers et des toits. Il y avait sous nous l'étroite bande de sable entre les rochers de la rade : atterrir nonchalamment, c'était courir se briser sur les rochers. Il ne décrocha pas le train atterrissage et nous fit glisser sans roue sur le sable ! Evidemment, nous devions capoter, mais c'était moins terrible que de courir se broyer ! Au bout de vingt mètres, le moteur droit se décrochait, puis ce fut la culbute vertigineuse. Je tournai comme un ballon tout autour des parois. Nous étions entrés dans la mer qui s'engouffrait par l'appareil crevé.
Mais nous vivions !

J
e voyais sur la côte s'agiter deux policiers à bigorne luisant ! C'était l'Espagne ! Je ne t'ai pas encore dit que j'avais un compagnon : le cher Robert du Welz, à présent capitaine, qui avait prétendu ne pas me lâcher à ce moment décisif. Lui s'en est parfaitement tiré, sans aucune fracture. Quant à moi, j'ai eu le pied gauche fendu et j'en souffre encore assez bien. Et j'ai trois fractures juste à l'endroit où le bras gauche s’emboîte dans l'épaule, si bien que je dois avoir non seulement le bras plâtré mais le buste entier. C'est comme si je portais un tonneau de plâtre. Je t'assure que deux mois et demi dans une cuirasse pareille, ça n'a rien d'aguichant !

C'est pour cela que tu dois venir me voir. Si tu as la vie dure, je te rembourserai en vieux camarade, le prix du voyage. Mais je brûle de te voir, de t'entendre. Et puis, enfin, si tu es un vieil observateur de la faune humaine et tu dois bien te douter que moi aussi, pendant les dernier mois, je n'avais pas mes yeux en poche. Si j'avais un éditeur américain, je pourrais lui donner un bouquin qui serait autre chose que toutes les sottises qu'on raconte car moi, je les ai vus, tous, de près, les dernières semaines, les derniers jours. Et je suis d'ailleurs stupéfait en voyant que personne n'a encore parlé de certaines choses formidables qui ont eu lieu à la fin : je me demande si, finalement, il n'y a que moi qui sache.

E
n tout cas, j'ai vécu, je peux te le dire, une épopée fabuleuse et je crois que personne n'a pu mieux que moi observer le double aspect, politique et militaire, de cette fabuleuse tragédie.

En ce qui me concerne, il faut s'en tenir strictement à ma qualité d'officier supérieur.

Je n'ai été ni chef de gouvernement, ni ministre. J'ai été soldat contre le Bolchevisme, point c'est tout. J'ai gagné tous mes grades (j'aurais été général cette année-ci) uniquement par mes services au combat. J'ai les Feuilles de Chêne et la Croix Allemande en Or, ainsi que la Médaille d'Or des Blessés (blessé cinq fois). Mais en outre, et ceci prouve mon rôle de combattant, j'ai reçu du Führer l'Insigne d’Or des Corps à Corps qu'on ne reçoit qu'après 50 combats, au moins, au corps à corps. C'est la plus haute décoration de l'Infanterie et j'ai été, de toute l'Armée Allemande, le 1er officier à le recevoir : il n'y a que 80 soldats en tout, environ, qui l'ont reçu. Et aucun autre étranger que moi.

Ceci dit pour te permettre, si tu en as l'occasion, d'insister sur le rôle réellement et intégralement militaire de mon action pendant la guerre.

En ce qui concerne ma famille, vois un peu. Avec le temps, il faudrait découvrir une personnalité – espagnole ou anglaise – qui avec les papiers nécessaires pourrait aller dépanner ma famille et mes enfants. Il s'agit ici de simple humanité : une femme, cinq petits enfants : de 11 à 8 mois.

Pour mes parents, seule une intervention d'une haute personnalité courageuse, Vatican ou Angleterre – ils ont été arrêtés dans la zone anglaise – pourrait, me semble-t-il, mettre fin à cette ignominie. Si maman devait rester en prison, elle y mourra certainement cette année-ci. Et dire qu'ils devaient, ce 12 juin, fêter leurs noces d'or !

Maintenant, mon cher vieux Pierre, je me résume :

1. Viens. Insiste près de notre ami Lequerica pour obtenir de faire à un grand blessé, cette visite d'amitié.

2. Par nos amis Espinosa de los Monteros, fais-moi parvenir des nouvelles, des journaux, des livres d'actualité.

Si tu avais des nouvelles précises concernant ma famille, fait-moi savoir ce qui se passe.


Evidemment, ces mois-ci sont des mois compliqués. Mais tu es un homme adroit et un véritable ami. Souviens-toi du temps où tu venais me rechercher à Carcassonne et nourrir mon cœur de ton amitié.

A nos amis français remets mes meilleurs souvenirs. Robert du Welz te dit mille choses affectueuses. Quant à moi, mon cher vieux Pierre, je t'embrasse avec beaucoup d'émotion,

Degrelle







(1) Raoul Hayoit de Termicourt, magistrat de l’ « épuration » à l’auditorat militaire.


Légendes des Photos (de haut en bas):

- Le Heinkel 111 dans la baie de San Sebastian : un miracle qu’il n’y eut aucune victime!
- Marie-Paule Lemay.

- Paul Mezetta.

- Léon Degrelle à l’hôpital militaire « Général Mola ». 
- L’avion de Léon Degrelle, objet de la curiosité populaire…
- Pierre Daye (Portrait du dessinateur liégeois Joseph « Jeph » Lambert, in Les Feuillets Bleus, hebdomadaire littéraire n° 267, 3 novembre 1934.)


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